Nos interviews sur la gérance de demain nous ont amenés à rencontrer plusieurs propriétaires institutionnels, La Foncière, Procimmo, le Fonds Immobilier Romand, celle du promoteur Abdallah Chatila, et même celle d’un associé de Lombard Odier. Il était temps de parler avec un représentant des plus petits propriétaires.

C’est donc avec le plus grand plaisir que nous accueillons Christophe Aumeunier, Secrétaire Général de la Chambre Genevoise Immobilière, qui a accepté de partager avec Immodating sa vision sur la gérance de demain pour les propriétaires qu’il représente.

Photos: Sébastien Dubouchet.

Quel est le rôle de la Chambre, et combien de propriétaires représentez-vous ?

La Chambre Genevoise Immobilière est une association à but non lucratif qui défends les intérêts de propriétaires fonciers à Genève. Elle compte plus de 6600 membres à Genève soit environ 15% des propriétaires du canton. La Chambre fournit 2 type de services : la défense des intérêts personnels des propriétaires et celle de leurs intérêts collectifs.

Parmi les services proposés pour la défense des intérêts personnels, on citera :
– La permanence juridique et fiscale gratuite aux propriétaires pour les questions simples,
– La consultation voire la représentation et l’accompagnement des propriétaires devant les juridictions des baux et loyers. Trois avocates se chargent exclusivement de ces dossiers. Une fiscaliste peut quant à elle faire des recours contre l’administration fiscale.
– L’offre de séance d’informations dans des domaines liés à la propriété.
– La publication, 6 fois par an, du magazine d’information ImmoScope pour les membres.

Permanence juridique et fiscale gratuite aux propriétaires pour les questions simples.

En ce qui concerne la défense des intérêts collectifs des propriétaires, la Chambre est présente au Grand Conseil Genevois pour suivre ou déposer des projets de loi ou des initiatives parlementaires. Elle a ainsi collaboré au récent projet de loi permettant l’affectation d’objets commerciaux vacants en logements.
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Comment décririez-vous le propriétaire « moyen » à Genève ?

Il est difficile d’établir un profil propriétaire car il existe peu de statistiques à ce sujet. D’une manière générale, Genève compte 17% de propriétaires, la proportion la plus faible de Suisse avec Bâle – la moyenne nationale étant à 33%.

10’000 foyers à Genève souhaitent devenir propriétaires en ont les moyens financiers.

Les chiffres de l’administration fiscale genevoise prouvent que 30 à 33% des Genevois peuvent, de par leurs revenus, devenir propriétaires. Toutefois, pour la majorité, la barrière des fonds propres est importante. D’après un sondage de la Banque Cantonale de Genève, on compterait au moins 10’000 foyers à Genève qui souhaitent devenir propriétaires et en ont également les moyens financiers, soit 5% des foyers environ. De par le capital nécessaire, il faut souvent attendre d’avoir 40 à 50 ans à Genève avant de pouvoir espérer réaliser son projet.

Quelles sont les principales insatisfactions que vous mentionnent les propriétaires ?

La principale insatisfaction des propriétaires reste la fiscalité. La fiscalité immobilière est assez lourde en Suisse. Une grande partie de notre travail consiste à changer les règles sur la fiscalité et de combattre, à tout moment, les hausses fiscales immobilières.

Dans d’autres domaines, les propriétaires ont des questions plus diverses. Ceux qui louent ont beaucoup besoin de conseils quant au droit du bail car ce droit a connu, en 1990, un coup de balancier. Avant cette date, il était défavorable aux locataires mais il y a eu des abus de certains propriétaires et le droit du bail actuel protège maintenant considérablement les locataires. Or le petit propriétaire, en cas de non-paiement du loyer par le locataire, ne peut pas arrêter de payer ses intérêts hypothécaires… L’essence du travail des trois avocates officiant ici à la Chambre Genevoise Immobilière se fixe donc sur les petits propriétaires et les problématiques liées au droit du bail. Le régime de la PPE est également générateur de nombreuse questions, ce qui est naturel.

En tant que représentant des propriétaires, comment voyez-vous la « gérance de demain » ?

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La grande tendance que j’observe et vers laquelle nous nous dirigeons est celle d’une gérance qui s’oriente davantage sur le service. On est passé, pour la régie immobilière, à mon sens, de l’artisanat à un service d’excellence.

On est passé, pour la régie immobilière, à mon sens, de l’artisanat à un service d’excellence.

La gérance de demain est celle qui anticipe les questions de son client. Elle est capable de conseiller son client propriétaire au-delà du besoin immédiat. C’est une discussion presque philosophique dans le mandat car normalement le gérant fait surtout ce qui lui est demandé. Mais je pense qu’aujourd’hui un bon gérant est un bon conseiller. Il ouvre des perspectives et pose des questions opportunes à son client: « Voulez-vous faire des travaux ? Si oui, quand ? Comment va-t-on les échelonner ? » C’est le régisseur qui pose ces questions qui aura les mandats les plus intéressants et dont le portefeuille va se développer. Le régisseur qui se contente d’exécuter l’ordre de son client propriétaire, sans suggestion pertinente, est en danger.

Un bon gérant est un bon conseiller. Il ouvre des perspectives et pose des questions opportunes à son client.

La futur est-il aux plus petites ou aux plus grandes gérances?

Au delà de la taille des gérances, cette tendance au service que je mentionnais a des implications structurelles. Des compétences tant générales que pointues sont devenues nécessaires. Un gérant généraliste doit pouvoir consulter un ingénieur en énergie, un avocat, un fiscaliste – mais il n’a pas forcément ces compétences à l’interne. Or la gérance semble exiger du volume pour générer les revenus suffisants et fournir ces prestations pointues.

On peut donc se demander si les régies pourront continuer d’avoir à l’interne l’ensemble des compétences ou si elle devront monter des réseaux pour répondre aux besoins.

(ndlr: voir également notre entretien chez Lombard Odier à ce sujet). Dans l’ensemble, je pense que la structure dure d’une gérance – la gestion avec les gestionnaires d’immeuble et les techniciens, restera à l’intérieur de la régie, mais ce qu’il en sera des compétences pointues reste à définir. Ceci explique peut-être aussi le mouvement de concentrations qu’on observe aujourd’hui dans les gérances.

Quelles technologies les gérances pourraient-elle adopter pour mieux répondre aux besoins des propriétaires ?

C’est certain, nous avons besoin d’outils permettant l’optimisation de la gestion. L’immeuble s’inscrit dans le temps et une relation particulière doit s’établir avec le propriétaire pour savoir comment il souhaite le gérer. C’est comme un portefeuille boursier : il est essentiel de développer une stratégie extrêmement large et globale dans les compétences: la situation s’est complexifiée.

Il est essentiel de développer une stratégie extrêmement large et globale dans les compétences.

L’aide à la décision du décideur devient elle aussi de plus en plus importante. Des logiciels vont permettre de décharger le travail mécanique, ce que fait notamment Immodating avec le dossier de location en ligne. C’est important car la gérance impose bien davantage de responsabilités aux gérants qu’auparavant et devient donc plus consommateur de temps; par exemple, si les techniciens de régie n’ont pas des connaissances approfondies en matière de substances dangereuses, les sanctions juridiques sont immédiates.

Des logiciels vont permettre de décharger le travail mécanique, ce que fait notamment Immodating avec le dossier de location en ligne. C’est important car la gérance impose bien davantage de responsabilités aux gérants qu’auparavant

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La formation professionnelle est donc essentielle. Depuis une quinzaine d’années les propriétaires ont d’ailleurs souhaiter voir son niveau augmenter. Pour ne citer qu’un chiffre, les offres de formation du milieu immobilier ont été multipliées par quatre.

Que pensez-vous de l’innovation d’Immodating, le dossier de location en ligne pour gérances et candidats ?

Je suis persuadé que de bons produits informatiques trouveront leur place assez facilement dans la gestion d’immeuble.

Il y a, dans le métier de régisseur, de la place tant pour le régisseur lui-même que pour les métiers qui vont l’accompagner. Je suis persuadé que de bons produits informatiques trouveront leur place assez facilement dans la gestion d’immeuble. Votre proposition de faire une plateforme ouverte dans laquelle le candidat soumet son dossier de location et le régisseur prends les décisions tout en impliquant s’il le souhaite le propriétaire me semble intéressante.
En savoir plus sur le logiciel Immodating

Le poids des gérances va-t-il se réduire avec le rôle des technologies accessibles aux propriétaires ?

Selon moi, le poids des gérances ne se réduira pas. L’immobilier vit une complexification tellement intense que le propriétaire qui souhaite bien gérer doit faire appel à un professionnel ou réseau de professionnels. Les petits propriétaires existent mais ils sont rares. Soit le propriétaire occupe son logement (et il sera amené à le transmettre), soit il a la chance de posséder un immeuble et le fait gérer. Il faut sans cesse augmenter les compétences ce qui a un coût. Maintenir la performance est un vrai défi pour les professionnels. Et les honoraires ne vont pas augmenter. Au final, les professionnels sont nombreux et se retrouvent en vraie concurrence, ce que est positif pour les propriétaires.

L’immobilier vit une complexification tellement intense que le propriétaire qui souhaite bien gérer doit faire appel à un professionnel ou réseau de professionnels.

Comment améliorer les relations entre locataires et gérances ?

C’est simple, les deux parties ont une chose à faire : exiger de l’autorité publique la construction de logements. La tension entre locataires et propriétaires/gérances est contre nature et résulte de la pénurie. A priori, ils ont un contrat de bail : le propriétaire a intérêt à ce que le locataire soit content – l’inverse est aussi vrai, et le locataire a intérêt à trouver un logement qui lui convient et qui soit en bon état. La pénurie de logements est la raison pour laquelle certains propriétaires louent des appartements trop chers, pas rénovés, et que certains locataires louent un appartement puis le sous-louent au prix double ou sont mécontents des régies.

C’est simple, les deux parties ont une chose à faire : exiger de l’autorité publique la construction de logements.

Il faut impérativement que les deux parties s’accordent plutôt que de s’engager dans des batailles de tranchées. Nous serions par exemple favorables à une initiative populaire « commune » entre locataires et propriétaires, mais nous rencontrons beaucoup de résistance de l’autre côté.

A titre personnel, qu’est-ce qui vous donne le plus satisfaction dans votre travail ? Et ce qui tend à vous irriter ?

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Ce qui me donne la plus grande satisfaction, c’est développer des solutions qui répondent à l’intérêt commun. J’ai en effet une marge de manœuvre dans mon travail qui me permet de satisfaire les intérêts des propriétaires là où ils rejoignent l’intérêt commun, ce qui est extraordinaire. Cela ne ferait pas de mal à l’intérêt commun genevois d’avoir plus de propriétaires et c’est une très grande satisfaction de faire évoluer les dossiers dans ce sens-là.

Il nous faut faire des arbitrages et trouver des intérêts communs pour avancer.

Ce qui qui m’agace, ce sont les positions d’interlocuteurs qui ne souhaitent pas innover. Ces positions sont compréhensibles dans leur volonté de défendre d’autres intérêts, mais je ne peux pas souscrire à cette approche s’ils n’envisagent pas de plus petits dénominateurs communs. Nous ne sommes plus au Moyen Age : il nous faut faire des arbitrages et trouver des intérêts communs pour avancer.

Merci à Christophe Aumeunier et à la Chambre Genevoise Immobilière  pour cet entretien avec Immodating sur la gérance de demain. Et vous, qu’en avez-vous pensé? N’hésitez pas à réagir dans les commentaires et à partager cet article.

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