Nous avons le plaisir de rencontrer Olivier Collombin, Capital Partner de la Banque Lombard Odier & Cie SA, une des plus prestigieuses banques privées suisses.

Pour introduire Olivier, faisons déjà un détour vers Isaac Newton et le mythe de la découverte de la gravité :

«La pomme tomba sur sa tête, et l’idée de la gravité était née ».

Ce mythe, maintes fois cité, présuppose que l’innovation « descendra » sur celui qui est chanceux. Or, cela est loin d’être le cas.

Les personnes qui innovent ne rechignent pas à penser de façon non conventionnelle, à prendre le risque de se confronter aux perspectives nouvelles, à essayer, observer et essayer encore. Non, l’innovation ne nous tombe pas sur la tête, il y a des femmes et des hommes qui savent la cultiver. Olivier Collombin est de cette nature-là.

C’est donc avec le plus grand plaisir que j’accueille Olivier qui a accepté de partager avec nous son voyage passionnant en quête d’innovation.

La question se pose dès maintenant : arriverons-nous à déceler d’éventuelles similitudes entre le milieu de la banque privée et la gérance immobilière ? Les professionnels de ces deux secteurs gèrent des actifs – financiers et immobiliers – pour leurs clients mais le lien va-t-il plus loin ?

Rendez-vous dans la section Commentaires, après la lecture de notre entretien!

La banque Lombard Odier à Genève

Lombard Odier a été fondée à Genève en 1796, ce qui fait d’elle la plus ancienne banque privée de Genève et l’une des plus importantes en Suisse et en Europe.

Le Groupe Lombard Odier dispose d’un réseau de bureaux qui couvre 19 juridictions. Entreprise familiale indépendante depuis sept générations, elle est dirigée par huit Associés, à la fois propriétaires et gérants.

Pour la petite histoire, Lombard Odier administre plus de 200 milliards d’actifs de clients privés et institutionnels. Pour les lecteurs souhaitant étudier les chiffres à fond, voici le lien vers ses résultats financiers.

Photos: S. Dubouchet.

Olivier Collombin et Lombard Odier, une histoire qui dure

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Je suis entré dans le Groupe Odier il y a 26 ans pour développer une nouvelle ligne de services destinée aux gérants de fortune indépendants.

Depuis cette époque nous offrons à nos partenaires gérants indépendants: une infrastructure, un outil informatique, et des conseils. Ceci a abouti, je suis fier de le dire, à une activité florissante qui a comblé à la fois nos clients et le groupe Lombard Odier.

Toutefois, au milieu des années 2000, des risques sont apparus pour les gérants indépendants de taille moyenne : l’inflation réglementaire, la pression sur les marges et sur les actifs non conformes fiscalement.

Comment aider cette communauté performante face à ces changements ?

Au milieu des années 2000, je me suis mis en tête de réfléchir à des moyens de les faire collaborer entre eux, afin d’être plus forts ensemble. Par exemple, il y avait l’idée de réaliser des alliances ou des fusions pour souder des pôles d’expertise et permettre aux plus petites unités de se renforcer mutuellement.

Le « Speed-merging » des années 2000

Les réunions de « Speed-merging » étaient destinées aux PME actives dans le domaine de la gestion. Nous avons également organisé des journées intitulées « Mergers & Acquisitions Forum» – au cours desquels des entités, qui ne se connaissaient pas, se présentaient les unes aux autres pour évaluer une potentielle collaboration ou un rapprochement.

De là, la plateforme E-MERGING est née en 2009, spécifiquement destinée aux gérants de fortune indépendants.

Qu’est-ce qu’E-MERGING et en quoi l’approche est-elle innovante?

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E-MERGING est un réseau social professionnel développé par Lombard Odier, à l’attention des experts indépendants de la finance.

Il donne la possibilité notamment aux gérants de fortune indépendants et aux sociétés de gestion de trouver un partenaire, selon des critères précis.

Pour permettre ces rencontres en ligne, il a fallu établir des profils détaillés de leur activité et être en mesure de stocker des données extrêmement sensibles relatives à la typologie de leur clientèle, la localisation de leurs bureaux, leur capitalisation, etc.

La clef fut de créer notre propre réseau social qui n’échappera jamais à notre contrôle. Cette approche nous permet d’établir nos propres critères par rapport aux entrées et au fonctionnement.

Les règles de départ étaient simples pour les membres: plus je donne d’informations sur ma société et ma clientèle, plus j’en reçois de la part des autres. Il a fallu mettre les gens en confiance.

Aujourd’hui, cinq ans plus tard, E-MERGING compte plus de 1000 sociétés qui gèrent ensemble 366 milliards d’actifs dans 55 pays.

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Avez-vous simplifié les processus clients finaux grâce aux technologies ?

La réponse est définitivement oui.

Il y a la digitalisation et le réseau social.

La digitalisation, c’est ce que vous faites avec Immodating, c’est-à-dire mettre le dossier de location en ligne et permettre aux gérances et aux locataires d’y accéder. Vous simplifiez ainsi la vie des parties prenantes.

Chez nous, l’équivalent correspond à l’e-banking. Nous travaillons sur la connexion à distance, l’accès sur tablette, le remplissage de formulaire en ligne, le client on-boarding, et d’autres choses.

Il n’y a pas à proprement parler de choc culturel.

Il s’agit d’une évolution assez naturelle. Il faut gagner en efficience, en productivité. C’est une évidence pour le management.

Un des défis que j’apprécie, est de convaincre nos collaborateurs et de les emmener avec nous sur ce projet. Nous savons que nous avons réussi lorsque le collaborateur lui-même apprécie de pouvoir évoluer dans son activité clé sans être encombré par des tâches à moins forte valeur ajoutée.

Il est vrai qu’il y a des résistances, mais jusqu’à présent nous avons le plus souvent réussi à convaincre les personnes un peu réticentes. Après tout, le cœur de métier ne change pas vraiment, c’est la manière de le dispenser qui évolue.

Sur le réseau-social, les craintes sont liées à l’incompréhension.

Les jeunes âgés de 14 ans aujourd’hui ont déjà tout compris. Ils se sentent à l’aise dans un monde connecté et s’attendent à retrouver les mêmes réflexes de socialisation qu’ils cultivent au quotidien. C’est évidemment plus problématique pour les personnes aux alentours de 50 ans.
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Pensez-vous que votre réseau social pourrait s’étendre aux clients finaux dans le futur ?

Absolument ! Pour la clientèle privée, il n’existe actuellement pas d’espace dans lequel elle peut interagir avec différents prestataires et comparer les performances.

Pour ne rien vous cacher, E-MERGING qui est actuellement Business to Business (B2B) a, depuis le premier jour, eu vocation à devenir un réseau Business to Business to Consumer (B2B2C).

Je suis satisfait de constater que nous avons su créer un écosystème qui réunit la plupart des métiers qui constituent la chaîne de valeur de la gestion de patrimoine. Nous allons donc dans la bonne direction pour devenir un prestataire B2B2C.

Alors, banque privée et gérance immobilière – quelle est la convergence ?

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Vous êtes dans la même thématique et vous avez les mêmes défis que nous !

Pour avancer, mettons le client au centre et la lecture devient bien plus claire.

Ce qui importe, c’est la création de l’écosystème qui sera en mesure de forger des alliances. L’expertise sera organisée en pôles. Elle permettra ainsi aux différents acteurs de se renforcer mutuellement.

Il faudra que le client à la recherche d’un chalet, par exemple, puisse se diriger vers le gérant de la Société Privée de Gérance et que celui-ci ait la facilité de se connecter avec un collaborateur de CGi Immobilier, spécialiste de chalets. On est donc dans une logique de connexion et de collaboration qui englobe tous les acteurs de l’industrie.

Le but ultime étant de fournir la meilleure prestation possible au client final.

C’est exactement ce que je défends.

Quel rôle pour le gérant du futur, face au client ?

Selon moi, il y a deux étapes. C’est plus facile à expliquer avec des images, regardez :
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1) L’homme-orchestre : Certains professionnels, il y a peu, étaient essentiellement des « hommes orchestres ». Dans les années 90, les (bons) professionnels dans le domaine de la gestion de patrimoine avaient bien appris le métier et disposaient de leurs propres réseaux. Ils faisaient tout eux-mêmes.

Ils étaient à la fois sélectionneur de fonds, analyste, professionnel marketing, homme de confiance. C’est le modèle Médecin de famille.

2) Le chef d’orchestre : Plus récemment, le client a commencé à ne plus se contenter d’être conseillé de manière un peu superficielle.

Il veut qu’on lui parle de manière plus approfondie de son problème et des risques qu’il encourt. Il souhaite que son conseiller prenne l’initiative pour le rendre attentif aux problématiques et aux solutions dont il n’a même pas encore conscience. Petit à petit, l’homme-orchestre s’est mué en Chef d’orchestre. Le chef d’orchestre au sens bancaire ne sait pas nécessairement produire un son ou jouer une pièce.

En revanche, il sait agréger des talents, des experts, des musiciens hors pair. Sa grande valeur ajoutée, c’est de savoir adjoindre les individus talentueux afin que ceux-ci puissent constituer un orchestre prodige d’harmonie.

Qu’est-ce qui différencie Lombard Odier et pourquoi recommandez-vous votre banque ?

Un des crédits que j’attribue à Lombard Odier est sa capacité à conjuguer tradition et innovation.

Cela reflète son attachement aux valeurs de base associé à une belle ouverture d’esprit, un goût pour l’innovation et une capacité à se remettre en question.

Et tout cela sans abimer le business modèle existant !

Comme Capital Partner de Lombard Odier, quel est votre principal défi pour l’année à venir?

Je rêverais de transposer l’expérience E-MERGING depuis 2009 dans l’écosystème Lombard Odier global et ceci sans porter atteinte au modèle en place.

Pour résumer, je dirais que nous sommes déjà un média social mais qu’il convient désormais de le connecter.

Mon défi, c’est d’interconnecter les différents composants de l’écosystème existant.

A titre personnel, qu’est-ce qui vous apporte le plus de satisfaction ?

D’abord il y a l’idée, ensuite il y a le projet et puis il y a la réalisation. C’est le chemin qui m’intéresse avant tout, à condition qu’il aboutisse à un résultat concret. La reconnaissance, c’est la cerise sur le gâteau… mais on peut aussi apprécier un gâteau sans cerise !

Merci à Olivier Collombin et à Lombard Odier pour cet entretien avec Immodating sur la banque privée et la gérance de demain. Et vous, qu’en avez-vous pensé? N’hésitez pas à réagir dans les commentaires.

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