Comment sera la régie immobilière de demain? A l’occasion du Salon Immobilier de Lausanne, un panel de dirigeants immobiliers venus de Suisse et de France étaient conviés à une conférence intitulée “Quel format d’agence immobilière pour demain ». Notre article expose les 7 prédictions du panel et celle de votre rédacteur sur la régie immobilière de demain. Photos: SIL.

1) Des grandes marques qui auront su rester locales (P. Cardis)

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Pour Philippe Cardis, CEO de Cardis – Sotheby’s International Realty, la régie immobilière de demain sera (1) faite de marques de grandes notoriété bien implantées, (2) qui auront toutefois su rester très locales. Le courtage c’est en effet 2 métiers, d’une part remplir le stock qui est une activité très locale, et vendre le stock, dans laquelle l’internet a un énorme rôle à jouer.

Certains prédisent la fin du courtier grâce aux technologies mais cela ne sera jamais le cas, selon Philippe Cardis, car l’Homme (et la femme) apportent une forte valeur. En France par exemple, on parle beaucoup du particulier à particulier et le modérateur, Fabrice Larceneux, professeur à l’Université Paris-Dauphine, souhaite tuer ce mythe. En effet, une étude sur plus de 5000 transactions en France indiquait récemment que certes 3 vendeurs sur 4 vendeurs tentaient leur chance seuls sans agent au départ mais que, fait saisissant, à la fin on retrouve 3 transactions sur 4 réalisées par des agents en France, preuve de la valeur des agents immobiliers.

2) Des courtiers unis autour d’une marque mais sans agences (O. Colcombet)

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Selon Olivier Colcombet, directeur général du réseau Optimhome, dans la régie immobilière de demain, (1) le marketing des objets à disposition se fera complètement sur le web, (2) le métier de courtier ne sera absolument pas délocalisé et deviendra encore plus local, et (3) il y aura des marques fortes qui auront su rallier les petits acteurs du marché.

Sa société Optimhome, a d’ailleurs pris ce pari, non sans remous sur le marché français, et compte près de 1000 agents en France actuellement et 30’000 biens à la vente, tout ça sans la moindre agence physique, et avec des agents en majorité formés sur le tard (professionnels et non professionnels, autres professions, etc.). Ces derniers paient un forfait d’environ 200 EUR par mois pour la formation et bénéficier du réseau. Autrement dit un modèle dans lequel la régie a fait baisser les coûts en enlevant les espaces physiques mais sans baisser les tarifs (en moyenne à 3.7% de frais de courtage pour Optimhome en France).

Face à ce modèle, une question est posée quant à compétence de ces agents, sujet qui fait débat en France. En Suisse, n’importe qui peut s’improviser courtier (en France il faut recevoir une carte professionnelle délivrée par les préfectures) donc cette idée du courtier indépendant semble moins révolutionnaire. Toutefois, elle pose la question de l’utilité des agences physiques et de la nécessité d’avoir une longue expérience immobilière pour être performant. Sans surprise, Philippe Cardis répond que l’expérience est clef – les courtiers plus expérimentés ont une performance sans comparaison avec les plus jeunes chez Cardis, explique-t-il. Là où ils se rejoignent c’est sur l’importance d’une marque forte et du rôle de l’internet pour le marketing des biens immobiliers.

3) Des agences établies et intégrées avec une forte marque (A. Collé)

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Pour Anthony Collé, président de l’USPI Vaud  et administrateur du Groupe MK, le futur sera (1) fait d’agences bien établies et peut-être même de réseaux d’agences qui s’allieront selon l’occasion au travers de fédérations, et (2) de marques avec une forte visibilité et présence géographique large.

Convaincu de ce modèle, Anthony Collé avance la forte croissance du Groupe MK, passé de quelques 20 personnes en 2000 à environ 150 en 2010. La technologies sera fort présente selon lui – il indique par exemple souhaiter doubler la taille du Groupe MK d’ici 2020 en n’augmentait les effectifs que de 50% au travers d’outils de productivité dans l’informatique. Anthony Collé rejoint Philippe Cardis sur l’importance des partenariats – les réseaux d’agence ont rendu difficile l’entrée de régies étrangères sous ciel Suisse remarquera Philippe Cardis, sorte de bouclier.

Et le rôle de la gérance dans tout ca?

Le panel parle beaucoup de courtage alors j’ose une question sur la gérance, thème qui m’est cher et qu’aborde ce blog. En France, dis-je, plus de 50% des agences pensent abandonner la location selon une étude de 2013. Or en Suisse on dit aussi que la gérance est peu profitable. Quel est le rôle de la gérance? Est-ce de payer les bureaux alors que le profit est généré par le courtage?

Pour Anthony Collé, seul représentant de la gérance sur le panel, la PPE et la gérance sont essentiels, et les agences physiques ne sont pas prêtes de disparaître. En effet pour lui, ce sont comme des tours de guet, le pied d’estale à partir duquel un groupe est visible mais surtout duquel il peut voir ce qui se passe localement, être au courant des opportunités à saisir. Il n’en demeure pas moins qu’en terme informatique, la gérance a beaucoup à faire, indique-t-il.

4) Les processus seront sans papier et optimisés (C. Frei)

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Selon Claude Frei, directeur de Systeo, fournisseur de conseils en technologies immobilières, le futur sera (1) fait d’un back office optimisé au maximum, dans lequel les processus papiers auront été dématérialisé grâce à l’informatique, et (2) bâti avec des outils étudiés pour industrialiser les processus. Au delà de la dématérialisation et des processus, la troisième tendance qu’il note est la vitesse des transactions et d’accès à l’information qui exigera également des outils adaptés pour que les agences soit à même de réagir.

Ces outils seront-ils propres à chaque régie ou partagés entre régies? Pour Claude Frei, ils seront clairement partagés. Anthony Collé exprime cependant le problème de certains outils partagés entre régies en Suisse romande qui sont devenus un frein au développement par leur manque de désir d’effectuer des développements et de personnaliser pour leurs régies clientes. Selon Philippe Cardis, le métier de la régie n’est cependant pas celui de la technologie et elle doit faire des choix. On parle également du coût significatif d’une application professionnelle développée par une régie par rapport à son équivalent mutualisé: Olivier Colcombet d’Optihome mentionne par exemple les 2.5 millions d’euros pour développer leur application Mobility. Au final, une régie devra donc trouver la bonne mesure entre (a) partager certaines technologies entre régies auprès de prestataires dynamiques qui innoveront continuellement, et (b) développer en propre un petit nombre d’applications choisies pour y obtenir des avantages compétitifs.

5) Le courtier immobilier “augmenté» (S. de Lafond)

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Dans la régie immobilière, les courtiers seront augmentés par la technologie, prédit Sébastien de Lafond, fondateur de Meilleursagents.com. Selon lui, le courtier (1) Restera très présent mais sa pratique sera améliorée par la technologie, (2) Sera davantage sous pression à devoir être performant car les clients seront éduqués et que la masse d’information à connaître sera encore plus grande. Sa différence viendra donc principalement dans sa connaissance du quartier, des acteurs locaux, et de sa performance proche du terrain.

L’agent immobilier doit se ré-inventer

Pour Sébastien de Lafond, l’agent immobilier doit se ré-inventer. Plutôt que d’opposer les technologies, il a pu observer qu’aux USA, face à la menace de la pléthore d’information disponible, les agences ont pris le meilleur de la technologies et la qualité de la prestation a augmenté. Dans ce sens, il a fondé MeilleursAgents.com en France, hybride entre plateforme internet et courtier, qui compte plus de 100 employés en France après seulement 7 ans d’activité. Ce site innove en permettant aux particuliers d’obtenir une estimation du prix de vente en ligne puis de mandater 2 agences sélectionnées sur base de leur performance qui auront l’exclusivité de la vente et se partageront la commission.

L’image des agences se jouera également davantage sur le net selon lui, avec le phénomène d’e-réputation qu’on a pu connaître dans d’autres secteurs. En effet, les particuliers font quelques transaction dans toute leur vie et en garde un fort souvenir, ce qui ouvre la porte aux évaluations clients. Meilleursagents.com permet aux clients de noter leur agent et agence d’ailleurs. Est-ce que la Suisse verra ce genre de système d’évaluation affluer ? Pourquoi pas mais cela sera un problème si mal réalisé, indique Anthony Collé.

6) Des courtiers payés au fixe plutôt qu’à la commission (O. Sauzet)

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Dans la régie immobilière de demain d’Olivier Sauzet, co-fondateur et directeur de Fleximmo SA, les courtiers seront rémunérés par des frais fixes mensuels quelle que soit leur performance auquelle s’ajoutera une part variable plus petite. C’est le modèle qu’à choisi le réseau de courtage Fleximmo SA pour se différencier – il cite un exemple avec des frais d’environ 1’000 CHF par mois de travail plus des frais variables à la réussite.

Toutefois, le panel fait remarquer que ce modèle ne peut être rentable que si l’agence a obtenu l’exclusivité ce qui de moins en moins le cas. Et nombreux sont ceux qui expriment leur incrédulité quant à un modèle moins orienté vers la performance. Bien évidemment son avantage pour le vendeur réside dans le plafonnement des frais de courtage. Philippe Cardis fera cependant remarquer que ce qui importe au vendeur c’est le montant qu’il obtient à la fin après les frais – or ce genre de modèle requiert une industrialisation des mandats, avec le risque que le courtier fasse vite et n’obtienne pas le meilleur prix. Les modèles s’affrontent et les résultats nous diront qui a raison.

7) Survivront celles qui auront adopté les meilleures technologies (J. Hershkowitz)

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Pour finir, ajoutons ma propre prédiction, celle donc de Jim Hershkowitz, administrateur délégué d’Immodating SA, fournisseur d’un logiciel pour gérances immobilières en Suisse. Il prédit que seules les régies immobilières qui auront su adopter les meilleures technologies survivront. Ce constat se base sur 3 tendances à 15 ans:

  1. L’internet supprime les mauvais intermédiaires. Or les régies sont des intermédiaires par excellence. L’internet rend l’information accessible aux clients et certains processus beaucoup plus faciles à gérer. La régie de demain utilisera au maximum les technologies et offrira bien davantage grâce à son personnel ultra qualifié.
  2. Les technologies permettent de supprimer le papier et de réduire les coûts. Le papier a un coût significatif en terme de vitesse et de temps passé à des tâches inutiles qui n’apportent rien au client. Et si une régie immobilière offrait la même performance que sa voisine avec 20% ou 30% de ressources en moins grâce aux technologies, laquelle survivra à long terme?
  3. La clientèle d’aujourd’hui n’est pas celle de demain. Les clients propriétaires d’aujourd’hui en Suisse sont probablement en majorité des baby-boomers. Or la génération des années 70 à 80, la génération Y, va remplacer la précédente. Et pour elle, faire des recherches en ligne sur sa régie est un réflexe, tout comme comparer les tarifs avec des comparateurs, etc. Autrement dit, le client va devenir plus exigeant et les régies qui auront su adopter les meilleures technologies passeront le cap.

Et pour vous, comment sera la régie immobilière de demain? Quelle est la prédiction qui vous parle? N’hésitez pas à commenter ou à oser votre propre prédiction!

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